20121216

An Welken









texte et collage Ernesto Castillo
traduction Frédérique Loutz



Complainte des chercheurs d'empouâcre et des ressourceurs d'humains







Voici venu le temps des chercheurs d'empouâcres
Voici venu le temps des étranges étrangers à l'emploi
qualifiés pas qualifiables
compétents pas compétitifs
bouillonnants pas cultivés
motivés sans mobiles apparents
démarcheurs sans domicile connu
rêveurs sans égarements productifs
travailleurs émiéttés aux heures pulvérisés
chômeurs sans friches et sans repos
soldats mobilisés pour une guerre sans armures dont on a retiré le nerf
nous voici tous devenus d'incertains types d'humains     

Voici venu le temps des ressourceurs d'humains
anciens serviteurs de personnels promus par la grâce des langues bétonnées
gestionnaires prévisionnistes des empouah raréfiés et des compétences dégrisés
receveurs vite fait de curriculum vital
broyeurs-déchiqueteurs de cévés candides
compétenciers livreurs de bilans oiseux et psychopompeux
transformistes de qualités défectueuses en petits défauts requalifiés
renvoyeurs ad vitam de contrats à durée déterminablement minés
contacteurs de juin, éventualisateur de septembre, reconducteur de décembre
repreneurs post mortem de motivations blettes
brumisateurs de contrats aidés
tourneurs-faiseurs d'empouah précaires
Voici venu le temps des ressourceurs d'humains

Voici venu le temps des conseillers, des coach, des consultants
préparateurs-dégustateurs actifs à l'insertion professionnelle
aboyeurs de profils calibrés pour empouayeurs à démembrements durables
chauffeurs de salle ambianceurs en modules d'insertion
modulateurs de modules tarifés en heures creuses d'ennui stagiaire
lettreurs de motivations plombés par le novlangue en bois de technographe
vidéastes simulateurs d'entretiens et preneurs de tons multipiste et tout secteur
pisteurs-combleurs de trous de cévés
doreurs à l'or fin de candidatures spontanément mortes-nées
recuiteurs de langue de bois, producteurs de novlangue depuis 1984
saupoudreurs de mots-clés pour logiciel gavé aux souverains poncifs de l'empouah
clarificateurs d'objectifs lunatiques
positiveurs de connotations négatives
délaveurs-vieillisseurs de cévés
estimateurs de confiance en soi
motivateurs de très longue durée
Voici venu le temps des conseillers, des coach, des consultants

Voici venu le temps des chercheurs d'empouâcres
techniciens supérieur en recherche d'empouah
receveurs de vestes prêtes à porter à temps complet
empouayés publics privés de  fonctions une fois sur deux
chercheurs de choses en chomistique générale
arroseurs-arrosés de la trempe bac plus douze
trouveurs d'empouah en limite des cordes autorisés
cévéistes de course, de demi-fonds et de grands fonds
plongeurs-apnéistes en grande entreprise
toucheurs de tout et conditionneurs de rien en moyenne surface
porteurs de mortes chandelles en petite structure
placardistes depréssurisés en attente de deconnection finale
fréres chomistes qui après nous vivrez le déluge débarqués
Voici venu le temps des chercheurs d'empouâcres

Voici venu le temps des grands usineurs de vide et d'impasse temps
convertisseurs sans fin de professions en chute de mille pieds d'oeuvre
aventuriers voituriers de la reprise d'empouah archi fondus
tracto-pelleteurs circulateurs de plus rien à y voir ni faire
liquidateurs-comptables de métiers réformés en annuités
rangeurs de vie sur le carreau, servo-broyeurs d'emploi du temps fini,
déblatérateurs de grands travaux et longues galères sur mer calme à peu concernée
Voici venu le temps des grands usineurs de vide et d'impasse temps

Voici venu le temps des conseillers, des coach, des consultants
chauffagistes à l'entretien de la motivation, mobilisation, mobilité
voltigeurs remplisseurs de plannings en strato-cumulus,
plumassiers noircisseurs d'agendas blancs de terreur
faire-savoiristes de talents cachés
rafraichisseurs de vieilles lunes et de lubies récurées
dénicheurs-remueurs de vocations ensevelies
vivisecteurs de projets de survie à minima social
scrutateurs d'organismes désagrégés aux finances desintégrées
relookeurs rhabilleurs de faces et de profils mal fichus
tailleurs à façon de têtes de l'empouah
tombeurs de vieux habits, chiffonneurs de vieilles habitudes
metteurs en frippe conforme pour tout secteur d'activité
évaluateurs de regards croisés, échangeurs de rôles exangues pour fonctions exigues
accompagnateurs de nouveaux positionnements
Voici venu le temps des conseillers, des coach, des consultants


Voici venu le temps des chercheurs d'empouâcres
démarcheurs pedestre d'employeurs à la petite semelle
arpenteurs de bassins d'emplois vaguement déminés
balayeurs formateurs d'espace-temps en open space
explorateurs de cibles où l'impossible n'est pas franglais
liquidateurs raisonnable de rêves sans rimes de jeunesse
ressasseurs inavoués de désirs cuits
distillateur et encaisseur de mortel ennui dans la peau
hommes de peine dans un séminaire sur l'estime de soi
par ailleurs concepteurs de fondements à l'univers connu
plagiste stagiaire sur vieille plage de temps pourri en job d'été
et traiteur de textes à fond de tiroirs perdus en job d'hiver
agitateurs interne de grandes marionnettes
tueurs de pantins étrangleurs de chimères
et imprésario en impatience d'être soi
Voici venu le temps des chercheurs d'empouâcres

Voici venu le temps des repreneurs de temps
grands causeurs de toujours, priseurs de paroles dans l'air
déclamateurs de jamais dire jamais
curriculeurs vite fait de vie plus belle
motivateurs laboureurs de néant
grands usineurs de vide et d'impasse temps
nous voici tous devenus d'incertains types d'humains.




 
texte Hervé Dauphin
collage Steve Dalachinsky

Dans la danse













textes Olivier Gandiva
dessins Philippe Desclais

Esprits commando









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20121215

La mer



J’apparente ou pas la terre à croire… des bidons couchés de renvers… un alliage pour nos vices… c’est comble en artifice ici, mais j’aime bien… c’est la plage qui me regarde, pas moi la mer qui voit… c’est trompant… pourtant je suis salubre avec l’âge, le trait fait pas débord… on a réduit la réalité au coupon-réponse et mal lu l’en-tête… tête coupée… fausse écriture mais vrai rature… une erreur de frappe où tomber… j’ai du mal à joindre les deux trous : la vie la mort, plus qu’à sauter… ça plisse entre eux, mal repassé dans n’importe quel sens… ça tombe pas bien la vie… t’as l’air d’une gaufre là d’dans… t’es usiné… t’es embouti (ZZipp… usiné ! tchac bing boung embouti)… t’es tout abruti… enfin rentré : soirâtre esseulé dans tous du métro parmi… le vide-précipice à l’œil comme des pleurs… on dirait à quel sein s’vouer si femme était porteuse… mais pas… comme aboli dans l’éboulis du temps…  l’enfant caduque a démérité… un qui fut sans voir au début… et vient plus jamais nous voir maintenant !.. avec tout l’mal… le pire été qu’on ait été, une fois seulement !.. ce qui y’a de terrible en fait c’est qu’on croit que ça pourrait être diversement… ça nuit… c’est pas tant les choses que ce qu’elles sont pas qu’est pénible… aimer les fuites, les écoulements textuels… certainement la vie est incertaine certainement… ça suit son cours… faire avec… allez d’l’avant… sans doute il arrive bien des choses… effectivement… plus ou moins seyantes et saillantes du quotidien… on presse le jus plus que raison pour tirer du sens… on sucre-glace nos pamoisons...  au bout, ça va pas faire taire le pouls du monde va…  pire! on l’entend mieux  qu’avant  s’éloigner après… (soupir)… retranchement ! c’est à dire enlever du compte, soustraire – ôter, à rebours de c’qui est encore du dû… langue du manque ou manque de langue ou languissamment je fuis… même enfants j’pigeais que j’pouvais pas avant d’essayer… ça m’évitait de marner dans l’espoir… j’ai des vieux qui sont encore là-bas… à la fois debout et couché et tordus entre les deux… simulacre d’orgueil et  de choses fongibles : obligations – droits – corps certains – mobiliers d’usages… tout à vau l’eau mais ça tient… c’est crocheteux la vieillesse… on a des soifs sans désir, humectales… ils comptent à la goutte… dans la banlieue des autres… matriciels et reproducteurs d’eux-mêmes à l’infini, si on laissait faire !.. « l’avoine est courbe sous la faux » dit l’un… leur vie qui tient dans les dictons… bas-monde soutiré d’la vessie… histoire de marquer son temps en levant la patte contre un arbre… leurs territoires… et d’autres déjà  levés comme des chardons la main tendu… inhalatoires… évocateurs… qui te sentent aux interstices… s’équilibrent sur tes vertiges… attenants aux pièces manquantes du jeu compassionnel… siphonnés du cortex… réduits à l’essence de l’être…  du mazout dans le bulbe rachidien,  tu les arrêtes pas ; des tanks !.. « tu restes pas un peu ? T’as des choses à faire ? » disent-ils en distillant le silence… une preuve… est-ce qu’on peut forcer quelqu’un à nous oublier !?..






texte Patrice Cazelles
dessin Franck Charlet